Selon Didier Fassin
« maladie et médecine » ( pp 40) « d’une manière générale, on
peut observer que la réalité biologique de la maladie ne correspond pas à la réalité
de celui qui en est atteint ( c’est d’ailleurs également vrai en France si l’on confronte « la maladie
du médecin » et « la maladie du malade » pour reprendre les
termes de Leriche) ».
La séropositivité affecte
l’image de soi à travers la perception
de son propre corps considéré dangereux. La peur apparaît doublement : la
peur pour soi du fait de son statut sérologique et celle de contaminer l’autre.
Si la peur peut être misez à distance dans les autres moments de al vie quotidienne,
les rapports sexuels la rappellent toujours. La sexualité s’en trouve ainsi
altérée de diverses façons : renoncement à la vie sexuelle, baisse du
désir, insatisfaction des relations affectives et sexuelles, dysfonctionnement
sexuel, perturbation des relations amoureuses ou encore multiplication des
rencontres sexuelles non investies ou dévalorisées.
La gestion du risque est
particulièrement complexe chez les femmes parce que dans les représentations
sociales de la maladie, la séropositivité féminine est souvent déniée. Les
femmes séropositives ont d’extrêmes difficultés à se présenter comme telles,
confrontées à un triple stigmate : la souillure, la dangerosité et la
blessure.( séropositivité, vie sexuelle et risque de transmission du VIH, 1999)
Le sida touche des domaines existentiels
fondamentaux, tabouisés et refoulés comme la sexualité, la maladie, la mort,
l’homosexualité ; la toxicomanie, la prostitution. En République Fédérale
d’Allemagne, la maladie affecte toujours la minorité en premier, surtout les homosexuels
masculins et les toxicomanes par voie intravénimeuse. Le sida renvoie au style
de vie. On tient la personne responsable de son style de vie et de la
contamination par le VIH. Puis on dégage sur lui la responsabilité pour la
santé de la population, si nécessaire par des mesures étatiques restrictives.
Dans le cas du sida, les tendance à
l’exclusion et à l’éloignement fondées sur les peurs de contact et de contagion
sont incomparablement plus fréquentes, plus directes et apparemment justifiées
par les possibilités réelles de contagion. Les proches n’apportent qu’un soutien
pratique et morale minime, souvent la famille, les amis, collègues se retirent.
Aux séropositifs et aux sidéens, on ne témoigne guère la compassion dont fait
l’objet des malades du cancer en dépit de sentiments ambivalents. Le taux de
suicide élevé laisse apparaître la grande tension nerveuse dont sont soumis les
séropositifs.
Selon Goffman, le porteur de
stigmate accepte les valeurs sociales dominantes et va , en conséquence
ressentir de la honte. A partir de ce postulat, l’auteur a identifié l’éventail
des stratégies que les porteurs de stigmate utilisent pour gérer les tensions
apparaissant au cours de leur contact avec les « gens normaux », il
en identifie trois :
·
L’individu cache l’attribut dévalué afin d’être
accepté comme quelqu’un de normal
·
Il essaie de réduire la signification de la
condition de personnes stigmatisée plutôt que de nier son existence
·
Il décide au contraire de se retirer de la vie
sociale et de ne plus participer aux activités qui impliquent un contact avec
les gens normaux.
En ce qui concerne la première
stratégie, Goffman considère que lorsque la situation est discréditable, la
tache principale de l’individu est de gérer l’information qui pourrait conduire
au fait d’être discrédité. Ce phénomène est particulièrement saillant dans le
cas du sida oùles premiers individus atteints étaient le plus souvent
homosexuels ou toxicomanes, da,ns ce cas, le stigmate attaché à ces groupes
sociaux est venu s’ajouter à celui de la maladie les personnes atteintes étant ainsi souvent
doublement stigmatisées. Les études de Rose Weitz montrent que la
confidentialité est un enjeu central. Les personnes atteintes interviewées tentent
d’éviter la stigmatisation en
cachant leur maladie, ou en sélectionnant soigneusement les personnes
auxquelles elles peuvent la révéler et dans quelles circonstances. Aussi, pour
tester l’éventuelle réaction de leur interlocuteur, se présentent-elles parfois
d’abord comme des personnes ayant des malades dans leur entourage. Les travaux de
Micheal Pollak et de Marie-Ange Schiltz montrent également, pour les personnes homosexuelles
contaminées, toutes les difficultés de la gestion d’une « identité
indicible ».
Bibliographie
- Mara Viveras : la relation entre médecines et maladies, in sociétés, Developpement et santé, Didier Fassin et Yannick Jaffre et Al, Edition Marketing/ Ellipses, 1990
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