samedi 11 mai 2013

PERCEPTIONS DU MALADE DU SIDA


               Selon Didier Fassin « maladie et médecine » ( pp 40) «  d’une manière générale, on peut observer que la réalité biologique de la maladie ne correspond pas à la réalité de celui qui en est atteint ( c’est d’ailleurs également vrai  en France si l’on confronte « la maladie du médecin » et « la maladie du malade » pour reprendre les termes de Leriche) ».
             La séropositivité affecte l’image  de soi à travers la perception de son propre corps considéré dangereux. La peur apparaît doublement : la peur pour soi du fait de son statut sérologique et celle de contaminer l’autre. Si la peur peut être misez à distance dans les autres moments de al vie quotidienne, les rapports sexuels la rappellent toujours. La sexualité s’en trouve ainsi altérée de diverses façons : renoncement à la vie sexuelle, baisse du désir, insatisfaction des relations affectives et sexuelles, dysfonctionnement sexuel, perturbation des relations amoureuses ou encore multiplication des rencontres sexuelles non investies ou dévalorisées.
              La gestion du risque est particulièrement complexe chez les femmes parce que dans les représentations sociales de la maladie, la séropositivité féminine est souvent déniée. Les femmes séropositives ont d’extrêmes difficultés à se présenter comme telles, confrontées à un triple stigmate : la souillure, la dangerosité et la blessure.( séropositivité, vie sexuelle et risque de transmission du VIH, 1999)
             Le sida touche des domaines existentiels fondamentaux, tabouisés et refoulés comme la sexualité, la maladie, la mort, l’homosexualité ; la toxicomanie, la prostitution. En République Fédérale d’Allemagne, la maladie affecte toujours la minorité en premier, surtout les homosexuels masculins et les toxicomanes par voie intravénimeuse. Le sida renvoie au style de vie. On tient la personne responsable de son style de vie et de la contamination par le VIH. Puis on dégage sur lui la responsabilité pour la santé de la population, si nécessaire par des mesures étatiques restrictives. Dans  le cas du sida, les tendance à l’exclusion et à l’éloignement fondées sur les peurs de contact et de contagion sont incomparablement plus fréquentes, plus directes et apparemment justifiées par les possibilités réelles de contagion. Les proches n’apportent qu’un soutien pratique et morale minime, souvent la famille, les amis, collègues se retirent. Aux séropositifs et aux sidéens, on ne témoigne guère la compassion dont fait l’objet des malades du cancer en dépit de sentiments ambivalents. Le taux de suicide élevé laisse apparaître la grande tension nerveuse dont sont soumis les séropositifs.
            Selon Goffman, le porteur de stigmate accepte les valeurs sociales dominantes et va , en conséquence ressentir de la honte. A partir de ce postulat, l’auteur a identifié l’éventail des stratégies que les porteurs de stigmate utilisent pour gérer les tensions apparaissant au cours de leur contact avec les « gens normaux », il en identifie trois :
·         L’individu cache l’attribut dévalué afin d’être accepté comme quelqu’un de normal
·         Il essaie de réduire la signification de la condition de personnes stigmatisée plutôt que de nier son existence
·         Il décide au contraire de se retirer de la vie sociale et de ne plus participer aux activités qui impliquent un contact avec les gens normaux.

             En ce qui concerne la première stratégie, Goffman considère que lorsque la situation est discréditable, la tache principale de l’individu est de gérer l’information qui pourrait conduire au fait d’être discrédité. Ce phénomène est particulièrement saillant dans le cas du sida oùles premiers individus atteints étaient le plus souvent homosexuels ou toxicomanes, da,ns ce cas, le stigmate attaché à ces groupes sociaux est venu s’ajouter à celui de la maladie  les personnes atteintes étant ainsi souvent doublement stigmatisées. Les études de Rose Weitz montrent que la confidentialité est un enjeu central. Les personnes atteintes interviewées tentent d’éviter la        stigmatisation en cachant leur maladie, ou en sélectionnant soigneusement les personnes auxquelles elles peuvent la révéler et dans quelles circonstances. Aussi, pour tester l’éventuelle réaction de leur interlocuteur, se présentent-elles parfois d’abord comme des personnes ayant des malades dans leur entourage. Les travaux de Micheal Pollak et de Marie-Ange Schiltz montrent également, pour les personnes homosexuelles contaminées, toutes les difficultés de la gestion d’une « identité indicible ».

Bibliographie
  • Mara Viveras : la relation entre médecines et maladies, in sociétés, Developpement et santé, Didier Fassin et Yannick Jaffre et Al, Edition Marketing/ Ellipses, 1990

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